Aux origines de l’hypnose éricksonienne : les expérimentations universitaires du jeune étudiant Milton H. Erickson

Hypnose classique du Professeur Charcot à la Salpétrière
Hypnose classique du Professeur Charcot à la Salpétrière

On entend parler d’hypnose ericksonienne, mais qu’est-ce que c’est au juste ? Pouvez-vous en donner une définition précise?

Le médecin allemand Franz-Anton Mesmer, "magnétiseur" au 18è et 19è siècle
Le premier « Mesmer » et le magnétisme animal, 18è-19è siècle Le médecin allemand Franz-Anton Mesmer, « magnétiseur » au 18è et 19è siècle

L’hypnose ericksonienne se dit par opposition à la conception autoritaire de l’hypnose qui prévalait avant Milton Erickson.  Dans cette conception autoritaire, la personne importante c’était  l’hypnotiseur, c’est lui qui était prééminent, qui avait « le pouvoir ». La personne hypnotisée n’était qu’un sujet passif. On peut rapprocher l’hypnose autoritaire du mythe de l’hypnose tel qu’on le rencontre dans la littérature, dans le cinéma  ou dans « les 7  boules de Cristal « de Tintin.

Le premier Mesmer et le "magnétisme animal"
Le médecin allemand  Franz-Anton Mesmer qui défraya la chronique au début du 19é siècle

 

 

 

C’est l’étude de ce point précis qui est à l’origine même de l’hypnose ericksonienne : qui est le plus important, la personne qui hypnotise, ou bien celle  qui est hypnotisée ?

Les expériences qui firent comprendre au jeune Milton Erickson que dans la transe hypnotique, c’est le sujet en transe qui est important, pas l’hypnotiseur

En 1923 et 24, Milton Erickson, alors jeune étudiant, participait à un séminaire sur

Milton Hyland Erickson dans sa jeunesse
Milton Hyland Erickson dans sa jeunesse

l’hypnose, organisé à l’université du Wisconsin. De nombreuses discussions eurent lieu, sur le fait de savoir qui était le plus important, la personne hypnotisée ou celle qui hypnotisait. L’opinion communément admise était que la personne hypnotisée était purement passive, et que c’est le guide qui était le plus important. Pourtant un certain nombre de faits semblaient déjà contredire cette thèse, et on en discutait à l’infini : « Les opinions et les interprétations personnelles étant très variées, il était impossible de parvenir à un consensus sur les questions étudiées », souligne Erickson dans un article.

Il  organisa alors, avec la participation de plusieurs dizaines d’étudiants volontaires, plusieurs expériences, qui  l’amenèrent à la conclusion inverse : c’est le sujet qui produit sa propre transe. Ces résultats, qui heurtaient l’opinion couramment admise, ne plurent pas du tout au professeur Hull qui dirigeait le séminaire: ces études selon lui négligeaient le rôle de l’hypnotiseur et l’importance des suggestions. Il interdit de continuer ces expériences. Mais Milton Erickson confirma ces résultats par sa pratique tout au long de sa vie, lors d’autres expériences ainsi que sur des milliers de sujets réels soignés individuellement.

Ces résultats sont à la base de la différence qui fait toute la force de l’hypnose dite Ericksonienne :
c’est le sujet qui développe sa propre transe, et le guide ne fait que s’y adapter, et l’accompagner avec un respect total du monde mental du sujet, de ses émotions, de ses façons de penser, de ses valeurs. Le sujet, loin de se voir dicter une conduite par quelqu’un de tout-puissant, ouvre au contraire ainsi ses possibilités de choix et de liberté.

C’est pourquoi l’hypnose ericksonienne,  parce qu’elle est adaptée à chaque sujet, est à la fois plus respectueuse et plus efficace, à l’inverse de l’hypnose directe et autoritaire de l’époque qui cherchait à faire rentrer tout le monde dans le même moule. Du coup, celle-ci a deux grands inconvénients : avec ses méthodes standards, elle parvient à hypnotiser moins de gens ; et quand ils sont hypnotisés, les suggestions autoritaires les empêchent de trouver leurs propres solutions. Voire, les font sortir de transe.

Séance publique d'hypnose par Charcot. Freud fut son élève
Séance publique d’hypnose par Charcot. Freud fut son élève